Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/125

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gnes noires, dont les paupières ne s’abaissaient non plus que celles de l’épervier sacré, inspirait par son immobilité même une respectueuse épouvante. On eût dit que ces yeux fixes ne regardaient que l’éternité et l’infini ; les objets environnants ne paraissaient pas s’y refléter. Les satiétés de la jouissance, le blasement des volontés satisfaites aussitôt qu’exprimées, l’isolement du demi-dieu qui n’a pas de semblables parmi les mortels, le dégoût des adorations et comme l’ennui du triomphe avaient figé à jamais cette physionomie, implacablement douce et d’une sérénité granitique. Osiris jugeant les âmes n’eût pas eu l’air plus majestueux et plus calme.

Un grand lion privé, couché à côté de lui sur le brancard, allongeait ses énormes pattes comme un sphinx sur son piédestal, et clignait ses prunelles jaunes.

Une corde, attachée à la litière, reliait au Pharaon les chars de guerre des chefs vaincus ; il les traînait derrière lui, comme des animaux à la laisse. Ces chefs, à l’attitude morne et farouche, dont les coudes rapprochés par une ligature formaient un angle disgracieux, vacillaient gauchement à la trépidation des chars, que menaient des cochers égyptiens.