Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/160

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revenue, sous prétexte de promenade, et avait fait passer son char sous le balcon de la villa.

Mais, bien qu’elle eût revêtu ses plus fines tuniques, mis à son col ses plus précieux gorgerins, cerclé ses poignets de ses bracelets les plus précieusement ciselés, couronné sa tête des plus fraîches fleurs de lotus, allongé jusqu’aux tempes la ligne noire de ses yeux, avivé sa joue de fard, jamais Poëri n’avait semblé y faire attention. Pourtant Tahoser était bien belle, et l’amour qu’ignorait ou dédaignait le mélancolique habitant de la villa, Pharaon l’eût acheté bien cher ; pour la fille du prêtre, il eût donné Twéa, Taïa, Amensé, Hont-Reché, ses captives asiatiques, ses vases d’argent et d’or, ses hausse-cols de pierres coloriées, ses chars de guerre, son armée invincible, son sceptre, tout, jusqu’à son tombeau auquel depuis le commencement de son règne, travaillaient dans l’ombre des milliers d’ouvriers !

L’amour n’est pas le même sous les chaudes régions qu’embrase un vent de feu qu’aux rives hyperborées d’où le calme descend du ciel avec les frimas ; ce n’est pas du sang, mais de la flamme qui circule dans les veines : aussi Tahoser languissait-elle et défaillait-elle, quoiqu’elle respirât des parfums, s’entourât de fleurs et bût les