Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/211

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murer ce mot pendant qu’elle éventait et berçait son sommeil.

« Il y pensait même en rêve : Ra’hel, c’est son nom sans doute. » Et la pauvre enfant sentit à la poitrine une souffrance aiguë, comme si tous les uræus des entablements, toutes les vipères royales des couronnes pharaoniques lui eussent planté leurs crochets venimeux au cœur.

Ra’hel inclina sa tête sur l’épaule de Poëri, comme une fleur trop chargée de parfums et d’amour ; les lèvres du jeune homme effleuraient les cheveux de la belle Juive, qui se renversait lentement, offrant son front moite et ses yeux demi-fermés à cette caresse suppliante et timide ; leurs mains qui se cherchaient s’étaient unies et se pressaient nerveusement.

« Oh ! que ne l’ai-je surpris à quelque cérémonie impie et monstrueuse, égorgeant de ses mains une victime humaine, buvant le sang dans une coupe de terre noire, s’en frottant la face ! il me semble que cela m’eût fait moins souffrir que l’aspect de cette belle femme qu’il embrasse si timidement, » balbutia Tahoser d’une voix faible, en s’affaissant sur la terre dans l’ombre de la cahute.

Deux fois elle essaya de se relever, mais elle