Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/215

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fiévreusement à travers les immenses salles.

C’était un spectacle étrange que de voir ce Pharaon à la haute stature, au maintien imposant, formidable comme les colosses de granit, ses images, faire retentir les larges dalles sous le patin recourbé de sa chaussure.

À son passage, les gardes terrifiés semblaient se figer en statues ; leur souffle s’arrêtait, et l’on ne voyait même plus trembler la double plume d’autruche de leur coiffure. Lorsqu’il était loin, à peine osaient-ils se dire :

« Qu’a donc aujourd’hui le Pharaon ? Il serait rentré vaincu de son expédition qu’il ne serait pas plus morose et plus sombre. »

Si, au lieu d’avoir remporté dix victoires, tué vingt mille ennemis, ramené deux mille vierges choisies parmi les plus belles, rapporté cent charges de poudre d’or, mille charges de bois d’ébène et de dents d’éléphant, sans compter les productions rares et les animaux inconnus, Pharaon eût vu son armée taillée en pièces, ses chars de guerre renversés et brisés, et se fût sauvé seul de la déroute sous une nuée de flèches, poudreux, sanglant, prenant les rênes des mains de son cocher mort à côté de lui, il n’eût pas eu, certes, un visage plus morne et plus désespéré.