Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/247

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a créés, et c’est vous qui créez vos dieux. »

Quelque éprise que Tahoser fût de Poëri, ces paroles produisirent sur elle un étrange effet, et elle se recula épouvantée. Fille d’un grand prêtre, elle était habituée à vénérer ces dieux que le jeune Hébreu blasphémait avec tant d’audace ; elle avait offert sur leurs autels des bouquets de lotus et brûlé des parfums devant leurs images impassibles : étonnée et ravie, elle s’était promenée à travers leurs temples bariolés d’éclatantes peintures. Elle avait vu son père accomplir les rites mystérieux, elle avait suivi les collèges de prêtres qui portaient la bari symbolique par les propylées énormes et les interminables dromos de sphinx, admiré non sans terreur les psychostasis où l’âme tremblante comparaît devant Osiris armé du fouet et du pedum, et contemplé d’un œil rêveur les fresques représentant les figures emblématiques voyageant vers les régions occidentales : elle ne pouvait renoncer ainsi à ses croyances.

Elle se tut quelques minutes, hésitant entre la religion et l’amour ; l’amour l’emporta, et elle dit :

« Tu m’expliqueras ton Dieu, et je tâcherai de le comprendre.