Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/259

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la colombe palpitante aux serres du faucon qui l’emporte dans son aire ; une terreur muette la stupéfiait, glaçait son sang, suspendait ses facultés. Ses membres flottaient inertes, sa volonté était dénouée comme ses muscles, et, si les bras du Pharaon ne l’eussent retenue, elle aurait glissé et se serait ployée au fond du char comme une étoffe qu’on abandonne. Deux fois elle crut sentir sur sa joue un souffle ardent et deux lèvres de flamme, elle n’essaya pas de détourner la tête ; l’épouvante chez elle avait tué la pudeur. À un heurt violent du char contre une pierre, un obscur instinct de conservation lui fit crisper les mains sur l’épaule du roi et se serrer contre lui, puis elle s’abandonna de nouveau et pesa de tout son poids bien léger, sur ce cercle de chair qui la meurtrissait.

L’attelage s’engagea dans un dromos de sphinx au bout duquel s’élevait un gigantesque pylône couronné d’une corniche où le globe emblématique déployait son envergure ; la nuit, déjà moins opaque, permit à la fille du prêtre de reconnaître le palais du roi. Alors le désespoir s’empara d’elle ; elle se débattit, elle essaya de se débarrasser de l’étreinte qui l’enlaçait, elle appuya ses mains frêles sur la dure poitrine du Pharaon, raidissant les bras, se renversant sur le bord du char. Ef-