Page:Gautier - Le Roman de la momie, Fasquelle, 1899.djvu/300

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animaux, chevaux, ânes, chèvres, effrayés et révoltés, fuyaient à travers champs, mais retrouvaient partout cette immonde pullulation.

Pharaon, qui du seuil de son palais contemplait cette marée montante de grenouilles d’un air ennuyé et dégoûté, en écrasait le plus qu’il pouvait du bout de son sceptre, et repoussait les autres de son patin recourbé. Peine inutile ! de nouvelles venues, sorties on ne sait d’où, remplaçaient les mortes, plus grouillantes, plus coassantes, plus immondes, plus incommodes, plus effrontées, faisant saillir l’os de leur échine, fixant sur lui leurs gros yeux ronds, écarquillant leurs doigts palmés, ridant la peau blanche de leurs goîtres. Les sales bêtes semblaient douées d’intelligence, et leurs bancs étaient plus denses autour du roi que partout ailleurs.

L’inondation fourmillante montait, montait toujours ; sur les genoux des colosses, sur les corniches des pylônes, sur le dos des sphinx et des criosphinx, sur l’entablement des temples, sur les épaules des dieux, sur les pyramidions des obélisques, les hideuses bestioles, le dos gonflé, les pattes reployées, avaient pris position ; les ibis qui, d’abord réjouis de cette aubaine inattendue, les piquaient de leurs longs becs et les avalaient