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le second rang du collier

vaux et se partageaient la besogne, mais deux maîtres successifs, indépendants l’un de l’autre. Ils régnaient chacun quinze jours par mois ; quand l’un prenait possession du journal, l’autre n’y paraissait plus ; et, comme les deux autocrates étaient de tempéraments très contraires, ils passaient le temps de leur toute-puissance à défaire chacun ce qu’avait fait le prédécesseur. Un de ces directeurs était Paul Dalloz ; jeune, élégant, poli et pâle, avec la moustache soyeuse, de courts favoris et des cheveux noirs coquettement bouclés au fer, il avait la voix douce et le regard voilé sous de longs cils.

Son plus grand titre de gloire était exposé dans son cabinet directorial : reliés en vert, les nombreux in-folios du répertoire de jurisprudence de son père, Désiré Dalloz.

L’autre chef du Moniteur s’appelait Turgan. Trapu, nerveux, brutal, mal embouché, tout l’opposé enfin du dandy qu’était Paul Dalloz. Turgan avait étudié la médecine et affectait les allures et le parler d’un carabin ; il était très autoritaire, violent et vaniteux, mais bon garçon tout de même.

Paul Dalloz avait un très somptueux appartement dans l’hôtel du Moniteur, 13, quai Voltaire ; mais, sa quinzaine directoriale terminée, il devait le céder à Turgan. Sa véritable résidence était située dans le parc de Neuilly : une maison charmante, au milieu d’un beau jardin.