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le second rang du collier

dépassé, la pente se nivela et l’on roula, plus doucement, sur de la terre battue. À droite, des murs de jardins et des maisonnettes bourgeoises. À gauche, à perte de vue, un parc verdoyant, clôture seulement par un muret surmonté d’un treillage vermoulu : ce sont là les jardins de la fameuse maison d’aliénés du docteur Pinel. Devant le muret, un fossé se creuse tout empli d’arbustes, d’acacias et d’herbes folles ; sous les orties et les ciguës en fleur, de vieux tessons et des débris de vaisselle miroitent.

Le fiacre s’arrêta, de l’autre côté de la rue, et nous sautâmes vite sur l’étroit trottoir, bosselé de gros pavés qui vous tortillaient les pieds, très impatientes de voir enfin notre nouveau logis.

Il est plus banal encore que nous n’avions pu l’imaginer : la maison s’aligne le long du trottoir, et la porte à deux battants, peinte en vert, s’ouvre, au ras du sol, entre deux fenêtres ; mais celle de droite n’est là que pour la symétrie : c’est une fausse fenêtre dont les volets clos, peints en blanc ne s’ouvrent pas. Des barreaux protègent celle de gauche contre l’escalade facile, qui ne serait qu’une enjambée. Un revêtement de pierraille spongieuse jaune et roussâtre, hérisse le mur à hauteur d’homme : c’est le seul essai d’ornement sur le blanc gris de la façade. Au premier, trois fenêtres, avec des persiennes, au lieu de volets pleins comme au rez-de-chaussée ; puis, au-dessus, des mansardes.