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LE TROISIÈME RANG DU COLLIER

d’elle-même, intelligente, et passionnée d’art. Je cherche les camélias blancs près de la neige de sa poitrine, très marmoréenne, en effet, mais par le secours peut-être du blanc de perles et d’une neige de poudre de riz. Le visage est régulier, pâle sous les cheveux pâles savamment disposés. Pourtant on la devine trop supérieure pour s’attarder aux artifices de la coquetterie. Elle cherche à retenir, à prolonger une beauté célèbre, mais elle attend plus encore des grâces de son esprit, que le temps ne peut atteindre, de sa culture intellectuelle, de son talent musical.

Avec une familiarité câline, elle s’efforce de m’apprivoiser, de m’inspirer confiance ; mais l’idée me hante qu’elle a des torts envers Cosima, qu’elle a trahi l’amitié, et j’ai grand’peine à répondre à ses amabilités, à sortir de ma réserve.

Liszt s’est approché, à son tour : il me parle de mon père, qu’il connaît : il m’a vue enfant et se souvient de moi, qui ne me souviens plus de lui. Je trouve qu’il a des manières onctueuses qui sont bien d’un prêtre ; mais comment est-il un prêtre, et pourquoi les femmes semblent-elles toutes éprises de lui ?… En ce moment, elles sont affolées de le voir s’occuper de moi, qui