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LE COLLIER DES JOURS

montré, n’est-ce pas ? de farouches guerriers descendant l’Ogooué, à la poursuite de quelque tribu rivale : n’allons pas nous convaincre que nous n’avons vu que de braves paysans, qui allaient, tout simplement, vendre quelque vulgaire denrée au plus proche marché.

— De braves paysans et des paysans braves, en tout cas !…

Mais Villiers n’écoute plus : son imagination a suivi les guerriers de l’Ogooué, elle est partie, elle vagabonde, et le voici qui s’enfonce dans un monologue confus, mêlé de rires. Il joue avec des idées, comme on s’amuse, sur les plages, à faire glisser entre les doigts le sable en cascades. Mais je sais qu’il y a quelques pierreries dans le sable que Villiers remue, et je les guette au passage…

Quand nous sommes assis, enfin, sur des tertres de gazon, dans l’ombre des grands arbres du jardin anglais, au bord de fraîches prairies étoilées de colchiques qui semblent des milliers de feux follets, et non loin des saules, couleur vert-de-gris, dont les longs échevellements trempent dans l’Isar qui les entraîne, je commence à distinguer quelque lueur parmi les obscurités du discours de Villiers.