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LE COLLIER DES JOURS

blondes, presque blanches, de Servais et je devine Édouard Schuré à côté de lui. J’aperçois aussi une ombre qui escalade les fauteuils d’orchestre : c’est Villiers, qui court s’asseoir plus loin, pour être bien seul, bien recueilli.

On ferme le rideau devant la scène ; Richter frappe des coups pressés sur le pupitre, puis, d’un geste fier et pieux, lève haut le bâton de commandement.

Et voici qu’une note grave et sourde monte de l’orchestre ; elle frémit presque insensiblement dans les profondeurs les plus basses de la gamme ; imprécise, sans contour, elle vibre dans une fluidité trouble puis elle semble se dilater, s’étendre, un glissement lent et doux se déroule et se perd, suivi aussitôt d’un autre glissement tout semblable, qui prend le même chemin et s’enfuit telle la vague après la vague.

Bientôt ces ondes musicales s’enflent et se succèdent : des gouttes de lumière diffuse tombent et s’étalent, croirait-on, comme des gouttes de lait dans l’eau. Le rideau s’écarte pour laisser voir les abîmes mystérieux du Rhin, à travers des transparences bleuâtres.

Sur le théâtre, il n’y a rien, qu’une pénombre confuse ; mais comme l’imagination, suggestion-