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LE TROISIÈME RANG DU COLLIER

dédain déraisonnable que l’on serait autorisé à prendre pour le masque d’une rancune mal étouffée. Je suis loin de faire fi d’un succès à Paris et je vous avoue même que j’ai toujours considéré comme une des nombreuses ironies de mon sort que Rienzi, fait en vue de Paris, n’y ait point été donné, alors que cette œuvre de jeunesse avait encore pour moi toute sa fraîcheur. Mais, puisque vous me parlez de la renommée que je me suis acquise en Allemagne, permettez-moi de vous dire, madame, que cette renommée s’est faite sans ma participation personnelle, par mes œuvres seules, à l’aide de quelques amis, au milieu des huées de la presse entière du Nord et du Midi et malgré les entraves que ma situation politique opposait à la propagation de mes opéras. C’est ainsi seulement que je désire réussir à Paris, où j’ai trouvé des amis très dévoués et trop intelligents pour ne pas m’en remettre entièrement à eux du sort de mes œuvres. Si vous me disiez, madame, qu’une représentation conforme à mes intentions, et par ainsi ma présence aux répétitions, serait avant tout nécessaire au succès de l’entreprise, je vous répondrais que Tannhäuser et Lohengrin ont été mutilés par la plupart des maîtres de chapelle allemands, comme ils ne sauraient l’être davantage sur la dernière scène française, et que ce n’est que depuis que le roi de Bavière m’a accordé sa protection qu’il m’a été possible de faire connaître mes intentions dramatiques et musicales sur un théâtre important.

Croyez-moi, madame, les choses en étant au point où elles en sont, je ne saurais faire autre besogne qu’écrire mes œuvres, et, pour ce qui est de leur sort, tant dans mon pays qu’à l’étranger, m’en remettre à leur étoile et à mes amis. Je ne suis pas l’homme des accommode-