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LE COLLIER DES JOURS

gravier de l’allée grinça sous les roues, et le véhicule, encombré d’ombrelles vertes, de voiles bleus et de châles rouges, redescendit la colline.

— Enfin nous sommes libres ! s’écria le Maître en se levant.

— Comment ! dis-je, vous avez cru que c’était moi qui vous amenais cette piaulée[1] d’Anglais !

— Vous arriviez juste en même temps qu’eux, dit-il, mais je n’aurais pas dû vous soupçonner.

— Ni me jeter ce regard terrible !

— Le regard était pour les Anglais, répliqua-t-il en riant. Je suis vraiment obsédé par l’audace de ces inconnus… car cette scène se renouvelle fréquemment… Le plus joli, c’est que Jacob est contre moi : il trouve tous ces gens-là très distingués et ne comprend pas pourquoi je refuse de les voir.

— Quelle singulière situation cependant, si on les recevait ! Que diraient-ils ? et quelle attitude pourraient-ils garder ?

— On raconte sur Gœthe, à propos d’une aventure analogue, une anecdote curieuse, dit

  1. Je me suis servi de ce mot : « piaulée », que j’avais entendu dans mon enfance. Peut-être n’est-il pas français, mais il a été adopté par les habitants de Tribschen : c’est pourquoi je le maintiens. Il pourrait venir cependant de piaux, nom que l’on donne aux petits de la pie.