Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 1.djvu/172

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
164
LE CAPITAINE FRACASSE.

style le plus hyperbolique, qu’il comptait bien faire parvenir à la marquise.

Comme tous les rôles de la pièce étaient sus, dès que les invités du marquis furent arrivés, la représentation des Rodomontades du capitaine Matamore put avoir lieu.

L’orangerie, transformée en salle de théâtre, offrait le plus charmant coup d’œil. Des bouquets de bougies, fixées aux murailles par des bras ou des appliques, y répandaient une clarté douce, favorable aux parures des femmes, sans nuire à l’effet de la scène. En arrière des spectateurs, sur des planches formant gradins, on avait placé les orangers, dont les feuillages et les fruits, échauffés par la tiède atmosphère de la salle, dégageaient une odeur des plus suaves, se mêlant aux parfums du musc, du benjoin, de l’ambre et de l’iris.

Au premier rang, tout près du théâtre, sur des fauteuils massifs, rayonnaient Yolande de Foix, la duchesse de Montalban, la baronne d’Hagémeau, la marquise de Bruyères et autres personnes de qualité, dans des toilettes d’une richesse et d’une élégance décidées à ne pas se laisser vaincre. Ce n’étaient que velours, satins, toiles d’argent ou d’or, dentelles, guipures, cannetilles, ferrets de diamants, tours de perles, girandoles, nœuds de pierreries qui pétillaient aux lumières et lançaient de folles bluettes ; nous ne parlons pas des étincelles bien plus vives que jetaient les diamants des yeux. À la cour même, on n’eût pu voir réunion plus brillante.