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LE CAPITAINE FRACASSE.

et, comme dans la plupart des fermes, servait à la fois de chambre à coucher et de cuisine. Une cheminée à large hotte, dont une pente de serge verte jaunie festonnait le manteau, occupait une des parois. Un arc de brique s’arrondissant dans la muraille bistrée et vernissée indiquait la gueule du four fermée en ce moment d’une plaque de tôle. Sur d’énormes chenets de fer dont les demi-boules creuses pouvaient contenir des écuelles, brûlaient avec une crépitation réjouissante quatre ou cinq énormes bûches ou plutôt troncs d’arbre. La lueur de ce beau feu éclairait la chambre d’une réverbération si vive que la lumière de la lampe eût été inutile ; les reflets du brasier allaient chercher dans l’ombre un lit de forme gothique paisiblement endormi derrière ses rideaux, glissaient en filets brillants sur les poutres rembrunies du plafond, faisaient projeter aux pieds de la table placée au milieu de la chambre de longues ombres d’un dessin bizarre, et allumaient de brusques paillettes aux saillies des vaisselles et des ustensiles rangés sur le dressoir ou accrochés aux murailles.

Dans le coin près de la fenêtre, deux ou trois volumes jetés sur un guéridon de bois sculpté montraient que le maître du logis n’était pas devenu tout à fait paysan et qu’il occupait à des lectures, souvenirs de son ancienne profession, les loisirs des longues soirées d’hiver.

Réchauffée par cette tiède atmosphère et cet accueil hospitalier, toute la troupe éprouvait un profond sentiment de bien-être. Les roses couleurs de la vie repa-