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LE CAPITAINE FRACASSE.

nous d’Oreste et de Pylade que nous avons laissés rentrant chez eux après leur promenade au jardin.

Oreste, c’est-à-dire le jeune duc de Vallombreuse, car tel était son titre, ne mangea que du bout des dents et plus d’une fois oublia sur la table le verre que le laquais venait de remplir, tant il avait l’imagination préoccupée de la belle femme aperçue à la fenêtre. Le chevalier de Vidalinc son confident essayait vainement de le distraire ; Vallombreuse ne répondait que par monosyllabes aux plaisanteries amicales de son Pylade.

Dès que le dessert fut enlevé, le chevalier dit au duc :

« Les plus courtes folies sont les meilleures ; pour que vous ne pensiez plus à cette beauté, il ne s’agit que de vous en assurer la possession. Elle sera bientôt à l’état de Corisande. Vous avez le naturel de ces chasseurs qui du gibier n’aiment que la poursuite et la pièce tuée, ne la ramassent même point. Je vais aller faire une battue pour vous rabattre l’oiseau vers vos filets.

— Non pas, reprit Vallombreuse, j’irai moi-même ; comme tu l’as dit, la poursuite seule m’amuse et je suivrais jusqu’au bout du monde la plus chétive bête de poil ou de plume, de remise en remise jusqu’à tomber mort de fatigue. Ne m’ôte pas ce plaisir. Oh ! si j’avais le bonheur de trouver une cruelle, je crois que je l’adorerais, mais il n’en existe pas sur le globe terraqué.

— Si l’on ne savait vos triomphes, dit Vidalinc,