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COUPS D’ÉPÉE, COUPS DE BÂTON, ETC.

pour le camarade et le respect de la femme pour le gentilhomme.

« C’est bien charmant à vous, fit le marquis de Bruyères, de venir nous surprendre dans notre nid d’amoureux. J’espère que sans crainte de troubler le tête-à-tête, vous allez souper avec nous. Jacques, mettez un couvert pour monsieur.

— J’accepte votre gracieuse invitation, dit Sigognac, non que j’aie grand’faim, mais je ne veux pas vous troubler dans votre repas, et rien n’est désagréable pour l’appétit comme un témoin qui ne mange pas. »

Le Baron prit place sur le fauteuil que lui avança Jacques en face du marquis et à côté de Zerbine. M. de Bruyères lui découpa une aile de perdrix et lui remplit son verre sans lui faire aucune question, en homme de qualité qu’il était, car il se doutait bien qu’une circonstance grave amenait le Baron, d’ordinaire fort réservé et sauvage.

« Ce vin vous plaît-il ou préférez-vous le blanc ? dit le marquis ; moi je bois des deux, pour ne pas faire de jaloux.

— Je suis fort sobre de nature et d’habitude, dit Sigognac, et je tempère Bacchus par les nymphes, comme disaient les anciens. Le vin rouge me suffit ; mais ce n’est pas pour banqueter que j’ai commis l’indiscrétion de pénétrer dans la retraite de vos amours à cette heure incongrue. Marquis, je viens vous requérir d’un service qu’un gentilhomme ne refuse point à un autre. Mademoiselle Zerbine a dû sans doute vous conter qu’au foyer des actrices, M. le duc