Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 1.djvu/344

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
336
LE CAPITAINE FRACASSE.

de Vallombreuse avait voulu porter la main à la gorge d’Isabelle, sous prétexte d’y poser une mouche, action indigne, lascive et brutale, que ne justifiait aucune coquetterie ou avance de la part de cette jeune personne, aussi sage que modeste, pour qui je fais profession d’une estime parfaite.

— Elle la mérite, fit Zerbine, et quoique femme et sa camarade, je ne saurais en dire du mal quand même je le voudrais.

— J’ai arrêté, continua Sigognac, le bras du duc dont la colère a débordé en menaces et invectives auxquelles j’ai répondu avec un sang-froid moqueur, abrité par mon masque de Matamore. Il m’a menacé de me faire bâtonner par ses laquais ; et en effet, tout à l’heure, comme je rentrais à l’hôtel des Armes de France en suivant une ruelle obscure, quatre coquins se sont précipités sur moi. Avec quelques coups de plat d’épée, j’ai fait justice de deux de ces drôles ; Hérode et Scapin ont accommodé les deux autres de la bonne façon. Bien que le duc s’imaginât n’avoir affaire qu’à un pauvre comédien, comme il se trouve un gentilhomme dans la peau de ce comédien, un tel outrage ne saurait demeurer impuni. Vous me connaissez, marquis ; quoique jusqu’à présent vous ayez respecté mon incognito, vous savez quels furent mes ancêtres, et vous pouvez certifier que le sang des Sigognac est noble depuis mille ans, pur de toute mésalliance, et que tous ceux qui ont porté ce nom n’ont jamais souffert une tache à leurs armoiries.

— Baron de Sigognac, dit le marquis de Bruyères