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LE CAPITAINE FRACASSE.

cette commande, et comme j’ai de la probité dans mon industrie, je rapporte à qui de droit l’argent que je n’ai point gagné. »

En disant ces mots il posa, avec un geste qui ne manquait pas de dignité, la bourse sur un coin de la belle table incrustée en pierres dures de Florence.

« Voilà bien, dit Vallombreuse, ces bravaches bons à figurer dans les comédies, ces enfonceurs de portes ouvertes, ces soldats d’Hérode dont la valeur se déploie à l’encontre des enfants à la mamelle, et qui s’enfuient quand la victime leur montre les dents, ânes couverts d’une peau léonine dont le rugissement est un braire. Allons, avoue-le de bonne foi ; le Sigognac t’a fait peur.

— Jacquemin Lampourde n’a jamais eu peur, reprit le spadassin d’un ton qui, malgré l’apparence grotesque du personnage, n’était pas dénué de noblesse, cela soit dit sans rodomontade et vantardise à l’espagnole ou à la gasconne ; dans aucun combat l’adversaire n’a vu la figure de mes épaules ; je suis inconnu de dos, et je pourrais être, incognito, bossu comme Ésope. Ceux qui m’ont apprécié à l’œuvre savent que les besognes faciles me dégoûtent. Le péril me plaît et j’y nage comme le poisson dans l’eau. J’ai attaqué le Sigognac secundum artem, avec une de mes meilleures lames de Tolède, un Alonzo de Sahagun le vieux.

— Que s’est-il passé, dit le jeune duc, dans ce combat singulier où tu ne sembles pas avoir eu l’avantage puisque tu viens restituer les sommes ?

— Tant en duels qu’en rencontres et assauts, contre