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LE CAPITAINE FRACASSE.

Qui pouvait entrer de cette façon altière et magistrale si ce n’est le seigneur du lieu, le duc de Vallombreuse lui-même ? Isabelle sentit à ce mouvement qui avertit la colombe de la présence du vautour, bien qu’elle ne le voie pas encore, que c’était bien l’ennemi et non un autre. Ses belles joues en devinrent pâles comme cire vierge, et son pauvre petit cœur se mit à battre la chamade dans la forteresse de son corsage quoiqu’il n’eût aucune envie de se rendre. Mais bientôt faisant effort sur elle-même, cette courageuse fille rappela ses esprits et se prépara pour la défense. « Pourvu, se disait-elle, que Chiquita arrive à temps et m’amène du secours ! » et ses yeux involontairement se tournaient vers le médaillon placé au-dessus de la cheminée : « Ô toi, qui as l’air si noble et si bon, protège-moi contre l’insolence et la perversité de ta race. Ne permets pas que ces lieux où rayonne ton image soient témoins de mon déshonneur ! »

Au bout d’une heure, que le jeune duc employa à réparer le désordre qu’apporte toujours dans une toilette un voyage rapide, le majordome entra cérémonieusement chez Isabelle et lui demanda si elle pouvait recevoir monsieur le duc de Vallombreuse.

« Je suis prisonnière, répondit la jeune femme avec beaucoup de dignité ; ma réponse n’est pas plus libre que ma personne, et cette demande, qui serait polie en situation ordinaire, n’est que dérisoire en l’état où je suis. Je n’ai aucun moyen d’empêcher monsieur le duc d’entrer dans cette chambre d’où je ne puis sortir. Sa visite, je ne l’accepte point ; je la subis. C’est un