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VALLOMBREUSE.

cas de force majeure. Qu’il vienne s’il lui plaît de venir, à cette heure ou à une autre : ce m’est tout un. Allez lui redire mes paroles. »

Le majordome s’inclina, se retira à reculons vers la porte, car les plus grands égards lui avaient été recommandés à l’endroit d’Isabelle, et disparut pour aller dire à son maître que « mademoiselle » consentait à le recevoir.

Au bout de quelques instants le majordome reparut, annonçant le duc de Vallombreuse.

Isabelle s’était levée à demi de son fauteuil, où l’émotion la fit retomber couverte d’une mortelle pâleur. Vallombreuse s’avança vers elle, chapeau bas, dans l’attitude du plus profond respect. Comme il la vit tressaillir à son approche, il s’arrêta au milieu de la chambre, salua la jeune comédienne, et lui dit de cette voix qu’il savait rendre si douce pour séduire :

« Si ma présence est trop odieuse maintenant à la charmante Isabelle, et qu’elle ait besoin de quelque temps pour s’habituer à l’idée de me voir, je me retirerai. Elle est ma prisonnière, mais je n’en suis pas moins son esclave.

— Cette courtoisie vient tard, répondit Isabelle, après la violence que vous avez exercée contre moi.

— Voilà ce que c’est, reprit le duc, que de pousser les gens à bout par une vertu trop farouche. N’ayant plus d’espoir, ils se portent aux dernières extrémités, sachant qu’ils ne peuvent empirer leur situation. Si vous aviez bien voulu souffrir que je vous fisse ma cour, et montrer quelque complaisance à ma flamme,