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LE CAPITAINE FRACASSE.

peu trop fortes de monsieur son fils ? Et cette reconnaissance d’Isabelle au moyen d’une bague à cachet blasonné ? ne l’a-t-on pas déjà vue au théâtre ? Après tout, puisque le théâtre est l’image de la vie, la vie lui doit ressembler comme un original à son portrait. J’avais toujours entendu dire dans la troupe qu’Isabelle était de noble naissance. Blazius et Léonarde se souvenaient même d’avoir vu le prince, qui n’était encore que duc, lorsqu’il faisait sa cour à Cornélia. Léonarde plus d’une fois avait engagé la jeune fille à rechercher son père ; mais celle-ci, douce et modeste de nature, n’en avait rien fait, ne voulant pas s’imposer à une famille qui l’eût rejetée peut-être, et s’était contentée de son modeste sort.

— Oui, je savais cela, répondit Sigognac ; sans attacher autrement d’importance à cette illustre origine, Isabelle m’avait conté l’histoire de sa mère et parlé de la bague. On voyait bien d’ailleurs à la délicatesse de sentiment que professait cette aimable fille qu’il y avait du sang illustre dans ses veines. Je l’aurais deviné quand même elle ne me l’eût pas dit. Sa beauté chaste, fine et pure, révélait sa race. Aussi mon amour pour elle a-t-il toujours été mêlé de timidité et de respect, quoique volontiers la galanterie s’émancipe avec les comédiennes. Mais quelle fatalité que ce damné Vallombreuse se trouve précisément son frère ! Il y a maintenant un cadavre entre nous deux ; un ruisseau de sang nous sépare, et pourtant je ne pouvais sauver son honneur que par cette mort. Malheureux que je suis ! j’ai moi-même créé l’obstacle où