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LA BAGUE D’AMÉTHYSTE.

Il tenait la main glacée de Vallombreuse entre les siennes, et y sentant un peu de chaleur, il ne réfléchissait pas qu’elle venait de lui et se laissait aller à un espoir chimérique.

Isabelle était debout au pied du lit, les mains jointes et priant Dieu avec toute la ferveur de son âme pour ce frère dont elle causait innocemment la mort, et qui payait de sa vie le crime d’avoir trop aimé, crime que les femmes pardonnent volontiers, surtout lorsqu’elles en sont l’objet.

« Et ce médecin qui ne vient pas ! fit le prince avec impatience, il y a peut-être encore quelque remède. »

Comme il disait ces mots, la porte s’ouvrit et le chirurgien parut, accompagné d’un élève qui lui portait sa trousse d’instruments. Après un léger salut, sans dire une parole, il alla droit à la couche où gisait le jeune duc, lui tâta le pouls, lui mit la main sur le cœur et fit un signe découragé. Cependant, pour donner à son arrêt une certitude scientifique, il tira de sa poche un petit miroir d’acier poli et l’approcha des lèvres de Vallombreuse, puis il examina attentivement le miroir ; un léger nuage s’était formé à la surface du métal et le ternissait. Le médecin étonné réitéra son expérience. Un nouveau brouillard couvrit l’acier. Isabelle et le prince suivaient anxieusement les gestes du chirurgien, dont le visage s’était un peu déridé.

« La vie n’est pas complètement éteinte, dit-il enfin en se tournant vers le prince et en essuyant son miroir ; le blessé respire encore, et tant que la mort n’a pas mis son doigt sur un malade, il y a de l’espérance.