Page:Gautier - Le capitaine Fracasse, tome 2.djvu/315

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
308
LE CAPITAINE FRACASSE.

pas d’existence plus douce que de rester près du prince et de vous.

— Un père et un frère ne suffisent pas toujours, même à la personne la plus détachée du monde. Ces tendresses-là ne remplissent pas tout le cœur.

— Elles rempliront tout le mien, cependant, et si elles me manquaient un jour, j’entrerais en religion.

— Ce serait vraiment pousser l’austérité trop loin. Est-ce que le chevalier de Vidalinc ne vous paraît pas avoir tout ce qu’il faut pour faire un mari parfait ?

— Sans doute. La femme qu’il épousera pourra se dire heureuse ; mais, quelque charmant que soit votre ami, mon cher Vallombreuse, je ne serai jamais cette femme.

— Le chevalier de Vidalinc est un peu rousseau, et peut-être êtes-vous comme notre roi Louis XIII, qui n’aime pas cette couleur, fort prisée des peintres cependant. Mais ne parlons plus de Vidalinc. Que vous semble du marquis de l’Estang, qui vint l’autre jour savoir de mes nouvelles et ne vous quitta pas des yeux tant que dura sa visite ? Il était si émerveillé de votre grâce, si ébloui de votre beauté non pareille qu’il s’empêtrait en ses compliments et ne faisait que balbutier. Cette timidité à part, qui doit trouver excuse à vos yeux puisque vous en étiez cause, c’est un cavalier accompli. Il est beau, jeune, d’une grande naissance et d’une grande fortune. Il vous conviendrait fort.

— Depuis que j’ai l’honneur d’appartenir à votre illustre famille, répondit Isabelle un peu impatientée