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les cruautés de l’amour

— Il s’est tué ! cria-t-elle. Misérable folle que je suis, je l’aimais !

Pavel, sans hésiter, lança son attelage à travers les plantations, dans la direction qu’avait prise André ; il se tenait debout sur le siége et explorait des yeux un large espace, tout en dirigeant ses chevaux un peu effrayés par les tressautements de la voiture et les épis de blé qui leur fouettaient le poitrail. Il cherchait déjà depuis quelques instants sans rien découvrir, lorsqu’une des roues de la voiture heurta brusquement un obstacle qu’elle franchit.

Pavel sauta vivement à terre.

— C’est la carabine d’André, dit-il, elle est déchargée, en effet.

Clélia s’était caché le visage dans ses mains, ne voulant rien voir ; elle découvrit pourtant ses yeux comme malgré elle.

— Et lui où est-il ? dit-elle avec angoisse.

— Je ne le vois pas, dit Pavel, son cheval l’aura traîné Dieu sait où.

Il se pencha cependant.

— Ah ! du sang ! s’écria-t-il, je croyais voir un coquelicot.

Clélia se précipita hors de la voiture.

— Mon Dieu ! mon Dieu ! mais qu’est-il devenu ?