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les cruautés de l’amour

sant tomber aux pieds de la jeune fille. C’est trop. Je ne peux plus lutter. Je l’accepte, ce bonheur céleste qui s’offre à moi ; mes longues souffrances me quittent enfin, mon cœur se dilate dans une joie sans égale. Ah ! Clélia, je t’aime comme un damné aimerait le pardon de Dieu. Pourtant, un jour peut-être tu ne m’aimeras plus et tu me replongeras dans l’abîme ; mais j’aurai au moins le souvenir du ciel.

— Écoute, André, lui dit-elle en le baisant sur le front, le jour où je ne t’aimerai plus, je te permets de me quitter, et, je te le jure, je suis parfaitement certaine de passer toute ma vie près

de toi.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Quelques jours plus tard, la maison était pleine de fleurs et de lumières, de bruit de musique, de rires et de danses. Clélia Alexandrowna donnait une fête à laquelle était conviée toute la haute société de la ville. Le bruit circulait de bouche en bouche que cette fête avait lieu à l’occasion des fiançailles de la jeune comtesse avec cet inconnu, prince selon les uns, moujik d’après les autres, et dans certains angles des salons on discutait vivement sur ce sujet.

— Un moujik ! laissez-moi donc tranquille, disait le gouverneur en haussant les épaules ;