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les cruautés de l’amour

— Nous sommes arrivés, dit-il en arrêtant les chevaux.

Sans les hurlements prolongés des chiens qui donnaient de la voix de différents côtés, on eût douté de la présence d’un être vivant dans ce village enfoui sous la neige et si profondément immobile et silencieux.

Le traîneau s’était arrêté devant une porte cochère beaucoup plus haute que la palissade de bois qu’elle interrompait. Pavel sauta sur la neige et chercha la chaîne qui correspondait à une cloche intérieure ; il tâtonna quelques instants le long de la porte et eut de la peine à saisir cette chaîne de sa main rendue maladroite par un vaste gant fourré, articulé seulement au pouce.

La cloche vivement secouée rendit un son grave et vibrant, mais rien ne bougea dans l’habitation.

— Nous ne parviendrons jamais à les réveiller, dit Clélia.

Pavel sonna de nouveau et accompagna le carillon de coups violents appliqués à pleins poings dans la porte. Le premier résultat de ce tapage fut de porter au plus haut point l’indignation des chiens et de faire glapir quelques volailles subitement éveillées, puis une lumière parut à une fenêtre, qui devint visible dans l’obscurité ; bientôt la fenêtre s’ouvrit et une voix de femme se fit entendre.