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les cruautés de l’amour

Je me réveillai en sursaut dès la première clarté de l’aube. Le poignet sur lequel je m’étais appuyé était tout engourdi. J’avais la tête lourde, les yeux gonflés. Je sortis et je regardai autour de moi : la mer était couverte de vapeur ; le paquebot courait toujours avec rapidité, mais il ne semblait pas s’être enfoncé davantage. Je repris une sorte d’espoir.

Il faudra bien que j’arrive quelque part, me disais-je, puisque je ne sombre pas.

Je résolus d’examiner soigneusement le navire pour voir s’il n’y avait pas quelque remède à apporter à ses avaries ou quelques précautions à prendre. Après de longues recherches, je découvris une large brèche dans la coque de l’Imogène et je m’expliquai alors pourquoi le bâtiment n’avait pas continué à s’enfoncer : l’ouverture s’était trouvée primitivement au niveau de l’eau, mais, à raison de l’allégement causé par le départ des passagers, elle était remontée de beaucoup au-dessus du niveau de la mer, de sorte qu’à moins d’une vague sautant plus haut que les autres, l’eau n’entrait pas. Néanmoins je bouchai le trou béant du mieux que je pus et je jetai par-dessus bord toutes les choses inutiles et pesantes.

Comme j’achevais cette besogne, j’entendis en passant par l’entrepont, d’affreux glapissements