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les cruautés de l’amour

petite moue. De sorte que la première action de Maurice, après son lever, fut d’aller à Enghien et de rôder autour de la maison où il avait vu entrer la jeune fille.

Cette maison était située à l’angle de la principale rue d’Enghien et de la route qui suit le chemin de fer. Du côté de la route, se prolongeait la palissade d’un jardin attenant à la maison, et ce fut devant cette palissade, à travers laquelle on pouvait voir très-aisément, que le jeune rôdeur se promena de préférence.

Après quelques heures de guet patient, Maurice aperçut enfin celle qu’il désirait voir. Vêtue d’un peignoir de cachemire blanc à longs plis, elle descendit lentement le perron, traversa une pelouse et alla s’asseoir sur la planchette d’une balançoire où elle resta quelques minutes, immobile, paraissant songer profondément. Puis elle se leva et, mordillant le bout d’une tige qu’elle venait de couper, elle se mit à marcher tranquillement dans le jardin. Maurice entendit le sable crier tout près de lui, sous les pieds de la jeune fille, et, avec surprise, il constata que son cœur battait plus fort qu’il n’était besoin.

— Je suis fou ! Est-ce qu’on devient amoureux comme cela du jour au lendemain ? murmura-t-il en haussant les épaules.