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les cruautés de l’amour

Catherine vint la rejoindre dans sa chambre.

— Que tu es bonne, lui dit-elle, tu partages même nos peines.

— Voyons, dis-moi la vérité ! s’écria la jeune fille, pourquoi es-tu inquiète comme cela ?

— Je ne sais, un pressentiment ; une mère s’effraie si vite ! Il m’a semblé qu’André était singulier ce matin : ses yeux brillaient plus encore que de coutume. Il m’a embrassée, puis a poussé un éclat de rire qui m’a fait mal.

Clélia baissa la tête.

— Mais que crains-tu, enfin, dit-elle d’une voix presque timide, a-t-il donc quelque raison pour mourir ?

— Mourir ! que dis-tu là ? mon fils croit en Dieu, et il n’est pas fou, s’écria Catherine, rien ne lui manque ici, il est heureux.

— Alors que crains-tu ?

— Que sais-je, un malheur, une imprudence, il est si audacieux.

— Mais il est adroit aussi, et fort, il ne lui arrivera rien, dit Clélia, qui reprit toute sa tranquillité.

Catherine aussi se calma un peu et vaqua aux soins du ménage ; mais la journée fut triste. Au dehors il faisait sombre, une tourmente s’était