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les cruautés de l’amour

Bientôt tout vestige de neige disparut et les travaux des champs commencèrent.

La ferme s’anima : les volailles reprirent position dans la cour ; les pigeons roucoulèrent sur le toit ; on donna de l’air aux étables, on ouvrit les greniers, on descendit de blé pour les semailles.

Le matin, deux paires de bœufs partaient attelés aux charrues et les hommes restaient dehors toute la journée.

D’ordinaire André, bien qu’il fût chasseur, prenait plaisir aux travaux des champs, mais cette année-là il ne sembla pas s’apercevoir que le printemps fût venu. Quand Clélia dormait encore ou était à sa toilette, il passait des heures entières absorbé, ne disant rien, n’écoutant rien.

— André ! André ! tu rêvasses trop, lui dit un jour son père en le voyant accoudé à la table les regards fixés sur le plancher, ne viendras-tu pas aux champs ?

André fit signe que non.

Le paysan haussa les épaules.

— Il faut marier ce garçon-là ! grommela-t-il en s’en allant.

Dans l’après-midi André courait avec Clélia à travers la campagne. Ils allaient voir les premières feuilles ouvertes, le premier buisson en fleur. La jeune fille s’émerveillait de tout, elle demandait le