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les cruautés de l’amour

nom de chaque arbuste, de chaque plante. Une grenouille effrayée, plongeant brusquement dans une flaque d’eau, la faisait rire comme une enfant, elle criait de peur quand un insecte traversait le sentier, ou bien elle s’arrêtait, un doigt sur les lèvres, pour regarder un oiseau qui sautillait près d’eux de branche en branche.

André lui disait le nom de l’insecte, lui racontait les mœurs de l’oiseau.

— Comme tu es savant ! disait Clélia.

Ils rencontraient souvent des paysans qui les saluaient de loin et leur criaient :

— Eh bien, à quand donc la noce ?

Ou bien l’on disait gaiement à André, en lui frappant sur l’épaule :

— Est-il heureux, ce gaillard-là !

— Pauvre garçon ! murmurait Clélia, comme tu supportes patiemment tous ces ennuis !

— Quoi donc ? disait André, n’a-t-il pas raison ? Je vous vois à toute heure, votre bras s’appuie sur le mien, vous ne vous irritez pas si mon regard s’arrête, sans pouvoir s’en arracher, sur votre beau visage. Je suis parfaitement heureux.

Un bruit singulier commençait à se répandre dans le village : on disait que la nièce d’Ivan Ivanovitch n’était pas sa nièce, mais bien une dame du monde qui avait commis un crime et que la police