Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/101

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Ce grand Dieu, qui fit les abysmes
Dans le centre de l’univers,
Et qui les tient toujours ouverts
À la punition des crimes,
Veut aussi que les innocents,
À l’ombre de ses bras puissants,
Trouvent un assuré refuge,
Et ne sera point irrité
Que vous tarissiez le déluge
Des maux où vous m’avez jeté.
 
Esloigné des bords de la Seine
Et du doux climat de la cour,
Il me semble que l’œil du jour
Ne me luit plus qu’avecque peine.
Sur le faîte affreux d’un rocher,
D’où les ours n’osent approcher,
Je consulte avec des furies
Qui ne font que solliciter
Mes importunes resveries
À me faire précipiter.

Aujourd’hui parmi des sauvages,
Où je ne trouve à qui parler,
Ma triste voix se perd dans l’air
Et dedans l’écho des rivages.
Au lieu des pompes de Paris,
Où le peuple avecque des cris
Bénit le roi parmi les rues,
Ici les accents des corbeaux
Et les foudres dedans les nues
Ne me parlent que de tombeaux.


Ne dirait-on pas d’Ovide exilé en Scythie ? La contrée décrite par le poète a plus l’air d’être le Kamtschatka ou le Groenland que la bonne vieille Angleterre, où le porter est double et le bœuf plus saignant qu’ailleurs : et John Bull même, en 1619, ne devait pas avoir, à beaucoup près, la mine aussi rébarbative. — Mais, à cette époque,