Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/109

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geoises : quel mélange inouï, quel inconcevable chaos ! — Le sang et le vin coulent à flots, on s’engueule en excellent latin, on se fait brûler vif. — On embrasse toutes les filles, on mange de tous les plats, et quels plats ! de véritables montagnes de viande ; on vide son verre d’un seul coup, et quels verres ! des verres qui tiennent trois de nos bouteilles, et qui sont à nos petits gobelets ce que leurs in-folio sont à nos in-octavo. De quelles côtes ces gaillards-là avaient-ils le cœur cerclé pour résister à un pareil travail, à un pareil amour, à une pareille débauche ? de quoi leurs mères les avaient-elles faits ? les nuits pendant lesquelles ils avaient été forgés étaient-elles de quarante-huit heures, comme la nuit fut conçu Hercule ! Ah ! misérables que nous sommes ! pauvres buveurs ! pauvres débauchés ! pauvres amoureux ! pauvres littérateurs ! pauvres duellistes ! nous qui roulons sous la table à la quatrième bouteille de vin, qui blêmissons pour trois ou quatre nuits mal dormies, qui devenons poitrinaires pour avoir deux ou trois maîtresses, qui nous reposons quinze jours après avoir fait cent vers, et qui ne nous battons que lorsque l’on couche avec notre femme ! Oh ! comme depuis Homérus, le rhapsode, les hommes s’en vont dégénérant !

— Les Pères Voisin, Garasse, Guérin et Renaud se portèrent accusateurs contre Théophile ; le père Voisin, qui avait du crédit auprès du cardinal de Larochefoucauld, suborna des témoins, et, par l’entremise du Père Caussin, jésuite, confesseur du roi, obtint un décret de prise de corps.

Théophile, se voyant sur les bras tant d’ennemis puis-