Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/130

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Prendre garde qu’un qui ne heurte une diphtongue,
Épier si des vers la rime est brève ou longue ;
Ou bien si la voyelle à l’autre s’unissant
Ne rend point à l’oreille un vers trop languissant ;
Et, laissant sur le vers le noble de l’ouvrage,
Nul aiguillon divin n’élève leur courage ;
Ils rampent bassement, faibles d’inventions,
Et n’osent, peu hardis, tenter les fictions ;
Froids à l’imaginer ; car s’ils font quelque chose,
C’est proser de la rime et rimer de la prose,
Que l’art lime et relime et polit de façon
Qu’elle rend à l’oreille un agréable son ;
Et voyant qu’un beau feu leur cervelle n’embrase,
Ils attifent leur mots, enjolivent leur phrase,
Affectent leur discours, partout relevé d’art,
Et peignent leurs défauts de couleur et de fard.
..................
S’ils ont l’esprit si bon et l’intellect si haut,
Le jugement si clair, qu’ils fassent un ouvrage
Riche d’inventions, de sens ou de langage,
Que nous puissions draper comme ils font nos escrits,
Et voir, comme l’on dit, s’ils sont si bien appris.


Rien ne manque à cette apostrophe du vieux Régnier, pas même le mot d’art dont on abuse tant aujourd’hui et dont on se sert pour entraver ceux qui en font véritablement.

Théophile, dans le fragment que nous avons rapporté plus haut, fait justice, avec un bon sens admirable, de tous ces pauvres grimauds, fantastiques d’humeur, qui, improductifs comme les frelons, trouvent mauvais que les abeilles aillent aux fleurs et fassent leur gâteau ; car les figures et les métaphores sont, à proprement parler, les fleurs du jardin de poésie, et celui-là qui veut qu’on les coupe ne s’entend aucunement en ce métier, et la mouche du grec ne lui a point emmiellé la lèvre. — Il est digne