Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/136

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Et, les voyant beaux comme ils sont,
Je suis jaloux quand ils te baisent.

Belle bouche d’ambre et de rose,
Ton entretien est déplaisant,
Si tu ne dis en me baisant
Qu’aimer est une belle chose !

D’un air plein d’amoureuse flamme,
Aux accents de ta douce voix,
Je vois les fleuves et les bois
S’embraser comme a fait mon âme.

Vois-tu ce tronc et cette pierre,
Je crois qu’ils prennent garde à nous,
Et mon amour devient jaloux
De ce myrthe et de ce lierre.

Sus, ma Corinne, que je cueille
Tes baisers du matin au soir ;
Vois comment pour nous faire asseoir
Ce myrthe a laissé cheoir sa feuille !

Oy le pinçon et la linotte
Sur la branche de ce rosier ;
Vois trembler leur petit gosier ;
Oy comme ils ont changé de note.

Approche, approche, ma dryade ;
Ici murmureront les eaux,
Ici les amoureux oiseaux
Chanteront une sérénade.

Prête-moi ton sein pour y boire
Des odeurs qui m’embaumeront ;
Ainsi mes sens se pâmeront
Dans les lacs de tes bras d’ivoire.

Je baignerai mes mains folastres
Dans les ondes de tes cheveux,
Et ta beauté prendra les vœux
De mes œillades idolastres.

Ne crains rien, la forest nous garde,
Mon petit ange, es-tu pas mien ?