Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/147

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l’année, le mois, le jour, le lieu où tu es né ; combien de temps tu as mis à faire la Magdalenéide ; combien à faire l’Éliade ; rien de ce qui te regarde n’a été oublié, ô grand homme !

Ce fut à Vaureas, diocèse de Vaison, dans le comtat, un mercredi 5 avril de l’an de grâce 1626, que naquit l’enfant qui plus tard devait faire le glorieux poème de la Magdeleine, de Jacques Barthélémy d’une part, et d’Anne Canal de l’autre : je ne sais si les mouches lui emmiellèrent la lèvre comme au divin Platon, et si sa mère, pendant sa grossesse, vit un laurier en songe comme la mère de Maron ; mais je le croirais assez volontiers, car le petit Ludovic, c’est ainsi qu’il s’appelait, était un enfant précoce, une véritable merveille, et montrait les dispositions les plus étonnantes pour son âge. À cinq ans, il témoigna le désir d’apprendre à lire ; son père s’y refusa parce qu’il était frêle et délicat, déjà pâle de son génie futur. Avant que d’appliquer son fils à l’étude et de perfectionner sa raison, il voulait que sa santé devînt plus ferme et son corps plus robuste ; mais le petit Ludovic, impatient d’apprendre et curieux de mordre à la pomme de la science, s’en alla tout seul et sans en rien dire à personne chez un maître d’école du voisinage. Il s’assit avec les autres sur le banc, ouvrant les oreilles et les yeux et tâchant de profiter. Par malheur, le maître, qui n’était pas ami avec son père, ayant aperçu cette brebis qui n’était pas des siennes, furtivement introduite dans le bercail, entra dans une belle colère rouge, prit le bambin, le fouetta et le mit honteusement à la porte. C’est bien ici le cas, ou jamais, de s’écrier : La racine de