Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

semble pour ne les point chagriner. Depuis sa profession le père Pierre de Saint-Louis s’était soigneusement abstenu de poétiser, croyant les vers chose trop mondaine et profane pour qu’un religieux pût s’en occuper ; mais le feu dormait sous la cendre et n’était pas éteint, au contraire, il prenait plus de force par la concentration. Qui a bu boira, qui a versifié versifiera, c’est une de ces mauvaises habitudes qu’il est bien difficile de perdre, et la conversion d’un poëte à la prose n’est jamais sincère ni sans restriction intérieure. Le père Pierre de Saint-Louis se remit à faire des vers, mais il ne travailla plus sur des sujets profanes.


Phœbus, je n’attends pas que ta Daphné m’apprête
Un rameau de laurier pour m’en ceindre la tête,
Et je ne puis briguer ton secours prétendu
Pour un livre d’amour qui n’est point défendu.
Mes larmes, mes amours et mes guerres sont saintes,
Ma matière n’est point un rang des choses feintes ;
Je rejette Médor, Angélique et Roland,
Mon style n’étant point cavalier ni galant.
Je me rétracte ici de quantité d’ouvrages
Satiriques, impurs, impertinents, volages,
Non plus que s’ils étaient des contes d’Amadis :
Ou je les désavoue, ou bien je m’en dédis.

Ce n’est plus sur les noms des seigneurs et des dames
Que je pense à trouver des justes anagrammes,
Et ne m’amuse plus, pour me mettre en renom,
Toujours morne et rêveur, à renverser un nom ;
Je ne suis plus touché d’une sotte tendresse
Aux mignardes douceurs de la voix de Lucrèce,
Et je ne décris point combien elle me plut
Quand je la vis jouer des yeux et de son luth.

Valberinthe n’est plus, ayant rompu ses chaînes,
Le sujet de mes vers ni celui de mes peines,