Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/167

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Que Marie eut ici, dans sa grotte profonde,
Quand elle rejetait les amorces du monde,
Méprisant ses appas et ses allèchements,
Et se bouchant l’oreille à tous ses sifflements.


On ne peut se faire une idée de l’intarissable verve d’incongruités que déploie le père Pierre de Saint-Louis. Voici un petit passage sur les yeux de la sainte qui n’est pas médiocrement agréable :


Voyez encore ses yeux qui ne veulent rien voir,
Dans une affliction qu’on ne peut concevoir ;
Ces glaces, ces miroirs, ces chandelles fondues,
Sur la joue, et de là sur les lèvres fendues,
Roulent jusqu’à sa bouche, autrefois de corail,
Et maintenant d’ébène et faite en soupirail ;
Bouche dont les souris découvroient avec gloire
Un petit double rang de perles d’ivoire ;
Lèvres dont l’incarnat faisoit voir à la fois
Un rosier sans épine, un chapelet sans croix.
Voyez ces mêmes yeux plus mourants que malades,
Abattus et noyés sous ces belles arcades,
Sous ces arcs de triomphe et des iris dorez,
Dont ils coulaient tirer leurs traits plus acérez !


Une chose fort curieuse, c’est la description de la traversée de la sainte. L’anachronisme de costume y est aussi fort que dans les compositions de Paul Véronèse, cet admirable ignorant. Cela respire un adorable parfum de prologue d’opéra, et s’agence dans le goût des tableaux de M. Ch. Lebrun, premier peintre du roi. Je ne connais rien qui soit plus Louis XIV et qui porte aussi distinctement le cachet de l’époque. N’oubliez pas, s’il vous plaît, que cette description fait partie d’un poème chrétien :