Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/189

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dilettanti à l’Opéra-Italien ; ils livrent aux doigts rosés de la brise de mai leur épaisse chevelure, et bercent dans leurs bras les nids des colombes et des bouvreuils ; l’aubépine parfumée, amour du printemps, fait pleuvoir sa neige d’argent sur l’émeraude du gazon ; du haut de ce mont à pic, dont les flancs déchirés laissent voir l’ocre et la craie, tombe un torrent fougueux qui va bondissant par la vallée verte et sauvage, et qui bientôt, apaisant sa furie, se glisse, à travers l’herbe haute et drue, comme un serpent au dos azuré, et fait un trône de cristal à la naïade du lieu. Plus loin, c’est un étang bordé d’aliziers, d’aunes et de saules ; les glayeuls et les roseaux frissonnent au vent ; la grenouille peureuse saute et se plonge dans l’eau à votre approche ; le héron s’amuse à becqueter sa plume, sans crainte du chasseur ; mille oiseaux aquatiques jouent, nagent et font l’amour ; on voit flotter le nénuphar sur la face immobile de l’eau où jamais voyageur n’a trempé sa main pour boire et que jamais rame n’a plissée d’une ride. Newton Fielding, le Raphaël des canards, n’eût pas mieux fait avec sa mine de plomb si pétillante et si colorée. — La scène change encore : c’est un vieux château ruiné où les sorciers font le sabbat, où les démons follets se retirent ; l’orfraie fait danser les lutins avec sa chanson funèbre ; les couleuvres et les hiboux se nichent dans les murailles que la limace souille de sa bave argentée ; le plancher du lieu le plus haut est tombé jusque dans la cave, et le lierre croît dans le foyer ; sous un chevron de bois maudit, le vent remue le squelette d’un pauvre amant rebuté qui se pendit de désespoir ; et, n’en déplaise à Boileau, je crois que ce pendu est très-