Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/243

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donne, pour récompense à un poète qui a fait une hymne à la Vierge, un Apollon, une idole, un démon selon l’Église ? — Ce mélange perpétuel de l’olympe et du paradis se retrouve partout dans les productions du temps. Il faut examiner les anges avec beaucoup de circonspection, car ce pourrait bien être de petits amours. Les vierges ne sont guère que des Vénus qui ont passé une chemise et mis une robe bleue. Le Père Éternel a emprunté ses gros sourcils noirs au Jupiter-Olympien, et le Christ en croix a bien souvent l’air d’un Adonis mourant. — Il ne faut pas croire qu’Apollon, ne soit ici qu’un symbole (on ne pensait guère aux mythes en ce temps pour signifier la poésie ; Apollon est bien le fils de Latone), un beau jeune homme bien fait, avec une perruque blonde, un tonnelet de brocart d’or, un grand manteau de pourpre, un violon à la main et une couronne de laurier au chef, qui descend de son coche à quatre chevaux pour aller réciter un madrigal dans la ruelle de madame Thétis, et qui de là va au coucher du roi faire prendre à ses canons l’air du Louvre ou de Versailles, où il a ses grandes et petites entrées. — À force de voir des dieux dans les jardins, dans les vers, dans les niches, au-dessus des portes, sur les éventails et les enseignes des cabarets, on est devenu tout à fait païen pour la forme, et beaucoup de gens, fort honnêtes d’ailleurs, étaient plus instruits dans la mythologie que dans le catéchisme, et tel vous aurait récité les noms des douze grands dieux fort couramment, qui aurait été fort embarrassé de réciter son Credo à quelque baptême. Le christianisme étant, d’après la poétique de