Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/277

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et à faire la classe du Parnasse, suite naturelle de ses études profondes sur la manière dont il s’y faut prendre à former le plan d’un ouvrage d’esprit de quelque nature que ce soit. — Sa censure n’épargnait pas le grand Armand lui-même, le héros, le presque dieu du siècle ; et l’on conte que l’illustre cardinal ayant communiqué à Chapelain le manuscrit d’une grande pastorale où il y avait jusqu’à cinq cents vers de sa façon, le candide Chapelain, de la manière la plus respectueuse du monde, y fit un si grand nombre d’observations grammaticales et autres que le cardinal, outré de colère et blessé au vif dans son amour-propre de poète, le plus chatouilleux de tous les amours-propres, déchira en mille morceaux le papier où elles étaient consignées, sans achever de lire ; mais comme la nuit porte conseil, le lendemain il se ravisa et fit réunir et recoller ensemble les fragments épars, et, après une seconde lecture, il reconnut la justesse des critiques et défendit que l’on imprimât la pièce. Le chevalier de Linière, dans une pareille occasion, ne prit pas la chose aussi bien. Ayant été montrer à Chapelain un produit de sa veine, celui-ci lui dit qu’ayant de la naissance et de la fortune il avait tort de se mêler d’écrire et que c’était un ridicule que tout galant homme devait éviter de se donner, ce qui irrita beaucoup plus Linière que s’il lui eût tout simplement dit que ses vers étaient mauvais, et le poussa à faire des pamphlets et des épigrammes qui mirent les rieurs de son côté : lui, La Mesnardière et Despréaux furent les trois guêpes les plus acharnées au dos du malheureux Chapelain, à qui sa haute position et ses familiarités illustres avaient attiré des éloges hyperboliques