Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/289

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meurs futurs ! — Le gracieux, comme on peut le voir, n’est pas le côté brillant de Chapelain.

La manière de Chapelain est précise jusqu’à la sécheresse, exacte jusqu’au pédantisme : il vise à la concision et à la pureté avant toute chose, et il n’a que les défauts de ces qualités. Quoique souvent son style soit serré à en être obscur, il semble long et diffus ; il tend à être granitique et n’est que rocailleux ; ce qu’il jette en bronze se tourne en plomb dans le moule. Il trouve le moyen d’être pâteux et sec, bouffi et plat, enluminé et incolore, tourmenté et sans mouvement ; et ce qu’il y a de pis, c’est qu’au fond son ouvrage est très-raisonnable, très-bien conduit, très-bien charpenté, comme on dit maintenant, et qu’il aurait pu être un véritable poème s’il eût été versifié par un autre que par lui.

Chapelain s’y est pris tout au rebours. Il a appris le grec, le latin, l’espagnol, l’italien, la rhétorique, la poétique ; il a lu Aristote, et médité soigneusement tous les traités anciens et modernes qui ont été faits sur la manière dont se doit conduire une épopée : il s’est beaucoup travaillé pour savoir si une femme peut être régulièrement l’héroïne d’un poème, si l’on pouvait ou non y employer la machine de la magie, comme dans les vieux romans, et si les figures et les personnifications mythologiques étaient admissibles dans une œuvre chrétienne ; il cherche quel est le caractère de la narration, en quoi le style narratif est différent du discours ; s’il est permis d’user d’hyperboles et de comparaisons ; s’il faut se jeter en des hardiesses et des témérités de langue à la façon des anciens, ou n’user que des termes qui ont cours parmi ceux que