Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/331

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L’amour chaste agrandit les âmes,
Et qui sait aimer sait mourir.


Scudéry est aussi d’avis qu’il n’y a pas d’héroïsme sans amour, et dit que l’amour honnête est proprement le feu d’Hercule qui, en le consumant, le fit dieu ; et comme l’a fort élégamment écrit Guevarre, l’un des plus beaux esprits de toute l’Espagne : Arde y no quema ; alumbra y no dana ; quema y no consume ; resplandece y no lastima ; purifica y no abrasa, y aun calienta y no congoxa. — Voilà les plus excellentes raisons du monde, et il n’y a rien à dire à cela. Il raconte aussi comme quoi son Alaric n’a que dix livres, parce que cela lui a plu ainsi, et que d’ailleurs l’Iliade et l’Odyssée ont vingt-quatre livres, l’Enéide douze, le poème de Silius Italicus dix-sept, le Roland d’Arioste quarante-six, celui de Boyardo soixante-huit, la Hiérusalem vingt, et l’Adonis du Marini vingt encore : ce qui prouve qu’il n’y a aucune règle certaine, et que chacun en peut agir à sa guise. Dieu soit loué, et M. Georges de Scudéry ! car, en vérité, je ne vois pas pourquoi il n’a pas fait soixante-huit chants comme le Boyardo.

Ensuite l’on tombe sur le privilège, qu’on aurait tort de passer, car c’est l’endroit le plus curieux du livre. Il est de Conrart, et Scudéry l’ayant lu le lui renvoya en se plaignant que ce n’était pas là un privilège comme il les faisait pour ses amis et qu’il eût à le retoucher : à quoi Conrart accéda le plus complaisamment du monde.

Voici les passages… « Notre cher et bien amé le sieur de Scudéry, gouverneur de Notre-Dame-de-la-Garde en Provence et capitaine entretenu sur nos galères, nous a fait remontrer qu’il a fait un poème héroïque intitulé Ala-