Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/358

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nez, malgré vous, à désirer quelque petit coin de paysage agreste : un bouquet de noyers près d’une chaumière au toit moussu, fleuri de giroflée sauvage, avec une paysanne tenant un enfant au bras, sur le seuil encadré d’une folle guirlande de vigne ; un lavoir dans les eaux du vallon, sous l’ombre bleuâtre des saules, égayé par le babil et le battoir des lavandières ; une grasse prairie où nagent à plein poitrail dans des vagues d’herbes ces belles vaches rousses que Paul Potter sait si bien peindre, et à qui les idylles de cour font paître un gazon de satin vert sous le nom euphonique de génisses.

Sous le règne précédent, l’élément gaulois se retrouvait plus visible au fond de la littérature, à travers un mélange d’espagnol et d’italien : la greffe hellénique que Ronsard avait entée sur le vieux tronc de l’idiome, nourrie par la sève du terroir, s’était fondue avec l’arbre. Il n’y a pas une si grande différence qu’on pourrait le croire entre les discours politiques du gentilhomme vendomois et certaines tirades de Pierre Corneille. C’était une langue charmante, colorée, naïve, forte, libre, héroïque, fantasque, élégante, grotesque, se prêtant à tous les besoins, à tous les caprices de l’écrivain, aussi propre à rendre les allures hautaines et castillanes du Cid qu’à charbonner les murs des cabarets de chauds refrains de goinfrerie.

L’esprit français, fin, narquois, plein de justesse et de bon sens, manquant un peu de rêverie, a toujours eu pour le grotesque un penchant secret. Nul peuple ne saisit plus vivement le côté ridicule des choses, et dans les plus sérieuses, il trouve encore le petit mot pour rire.