Où sont les gracieux gallans
Que je suyvoye au temps jadis ?
Si bien chantans, si bien parlans,
Si plaisans en faicts et en dicts ?
Les aucuns sont morts et roydiz.
D’eulx n’est-il plus rien maintenant ?
Les aucuns sont en paradis,
Et Dieu saulve le remanant[1].
Et les aulcuns sont devenus,
Dieu mercy, grands seigneurs et maistres ;
Les autres mendient tout nudz,
Et pain ne voyent qu’aux fenestres ;
Les autres sont entrez en cloistres
De Céleslins et de Chartreux,
Bottés, bouzés[2] comm’pescheurs d’hoystres[3].
Voylà l’état divers d’entr’eux.
Ce trait, et pain ne voyent qu’aux fenestres, ne peut avoir
été trouvé que par un homme qui a jeûné plus d’une fois.
Villon, qui est mort de faim les trois quarts de sa vie, ne
parle de toute victuaille quelconque qu’avec un attendrissement
et un respect singulier. Aussi tous les détails culinaires,
et ils sont nombreux, sont-ils traités et caressés
avec amour. Les nomenclatures gastronomiques abondent
de tous côtés.
Saulces, brouetz et gras poissons,
Tartes, flans, œufs frilz et pochez,
Perduz et en toutes façons.
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Savoureux morceaux et friands,
Chappons, pigeons, grasses gelines,
Perches, poussins au blanc manger.
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