Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/361

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Scarron fut évêque de Grenoble ; un Jean Scarron, sieur de Vaujour. — Il n’y a rien là qui sente son poète et son bouffon, et l’on aurait pu, sans crainte de passer pour un faux prophète, prédire un avenir agréable au petit Scarron et à ses deux sœurs Anne et Françoise. Cet avenir si clair et si net en apparence ne tint cependant pas ses promesses. Le conseiller Scarron perdit sa femme, et, sans tenir compte de cette faveur que le ciel lui faisait de rompre un nœud indissoluble, il commit la sottise de convoler en secondes noces.

Françoise de Plaix, la femme qu’il épousa, lui donna trois autres enfants : deux filles, Madeleine et Claude ; un fils, Nicolas. — Vous savez que, si rien au monde ne vaut une mère, rien n’est pire qu’une marâtre, — si ce n’est une belle-mère. — Donc Françoise de Plaix, comme une vraie marâtre qu’elle était, aimait peu les enfants de l’autre lit, et tâchait de favoriser les siens de tout ce qu’elle pouvait tirer de son côté et du leur. Le petit Scarron, quoiqu’il fût tout jeune, s’apercevait de ces manèges et ne s’en taisait pas ; il avait une amitié fort mince pour sa famille, et savait un gré médiocre à monsieur son père de lui donner des petits frères qui devaient diminuer sa succession d’autant. Déjà il avait le parler fort libre et fort caustique, et décochait à sa marâtre des pointes piquantes qui envenimaient encore la haine qui existait entre eux ; il fit si bien que le séjour de la maison paternelle lui devint impossible. Ce n’étaient, du matin jusqu’au soir, que tracasseries et querelles, de sorte que le conseiller, excellent homme, mais père assez faible, fut obligé de le sacrifier à la paix du ménage et de