Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/364

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Au lieu de me donner les miennes,
Sinon que vos yeux pleins d’appas
Veuillent bien épargner les nôtres,
Afin qu’ils ne nous brûlent pas
Comme ils en ont brûlé tant d’autres.


Celle-ci est adressée à Ninon :


Ô belle et charmante Ninon,
À laquelle jamais on ne répondra non,
Pour quoi que ce soit qu’elle ordonne,
Tant est grande l’autorité
Que s’acquiert en tous lieux une jeune personne,
Quand avec de l’esprit elle a de la beauté !
Ce premier jour de l’an nouveau,
Je n’ai rien d’assez bon, je n’ai rien d’assez beau
De quoi vous bâtir une étrenne.
Contentez-vous de mes souhaits :
Je consens de bon cœur d’avoir grosse migraine
Si ce n’est de bon cœur que je vous les ai faits.
Je souhaite donc à Ninon
Un mari peu hargneux, mais qui soit bel et bon,
Force gibier tout le carême,
Bon vin d’Espagne, gros marron,
Force argent, sans lequel tout homme est triste et blême,
Et qu’un chacun estime autant que fait Scarron.


Souhaiter un mari à Ninon ! le vœu est assez bizarre ; et qu’en aurait-elle fait, bon Dieu ?

Notre petit abbé vécut ainsi jusqu’à l’âge de vingt-quatre ans, ne s’occupant sérieusement que de ses plaisirs et tout entier aux charmes de nombreuses liaisons. Dans ce temps il était du bel air, pour tout jeune homme posé sur un bon pied dans le monde, d’aller faire un tour en Italie. Scarron n’eut garde de manquer à cette mode. Il était à Rome en 1634, et il y rencontra le poète Maynard. L’aspect de ces ruines grandioses, la tristesse