Page:Gautier - Les Grotesques, 1856.djvu/370

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dant de longues années, sans qu’un soupir d’angoisse vienne se mêler à l’éclat de rire, nous semble plus philosophique que toutes les vaines déclamations des sophistes. Nous serions curieux de voir des vers burlesques de Zénon écrits dans un accès de sciatique ou de rhumatisme ; il est douteux que l’on y trouvât le plus petit mot pour rire.

Le style burlesque, dont Scarron n’est pas l’inventeur, assurément, mais dans lequel il excelle et qu’il résume en quelque sorte, a eu ses partisans et ses détracteurs. Le mot burlesque, en lui-même, n’est pas fort ancien. Ce n’est guère que de 1640 à 1650 qu’on le voit se produire ; avant cette époque, il n’avait pas franchi les monts. Sarrazin, selon la remarque de Ménage, est le premier qui l’ait employé en France, où la chose existait cependant, mais où elle était désignée par le terme de grotesque. L’étymologie de grotesque est grutta, nom qu’on donnait aux chambres antiques mises à jour par les fouilles, et dont les murailles étaient couvertes d’animaux terminés par des feuillages, de chimères ailées, de génies sortant de la coupe des fleurs, de palais d’architecture bizarre, et de mille autres caprices et fantaisies. Burlesque vient de l’italien burla, qui signifie plaisanterie, moquerie, et d’où dérivent les mots burlesco et burlare. Burla, que les Italiens ont adopté, est au fond un terme castillan. On nomme en Espagne burladores, certains jets d’eau cachés sous le gazon, qui jaillissent subitement sous les pieds, et mouillent les promeneurs sans défiance de leur rosée imprévue. La comédie de Tirso de Molina, qui servit de modèle au don Juan de Molière, porte pour ti-